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Réduire l'exposition au radon grâce au pilotage prédictif de la ventilation

Si la qualité de l’air intérieur (QAI) est un enjeu crucial dans tous les bâtiments, certains font face à des défis spécifiques. C’est notamment le cas des ouvrages situés en zone à fort potentiel radon : ce gaz radioactif issu des sols peut s’infiltrer dans les bâtiments et présenter un risque pour la santé des occupants.  

Par conséquent, certains établissements accueillant du public et situés dans les secteurs à risque doivent répondre à des exigences réglementaires strictes. C’est notamment le cas des écoles, qui sont d’autant plus concernées qu’elles accueillent un public à la santé fragile. 

Dans ce contexte, une bonne compréhension de la dynamique d’émission et de transport du radon est essentielle. C’est dans ce contexte que nous sommes intervenus dans l’école maternelle des Homérides de Limoges afin de mettre en place une stratégie de ventilation adaptée au risque radon

Les risques sanitaires liés à l'exposition au radon

La pollution de l’air est susceptible d’avoir de lourdes conséquences sur la santé. Elle peut être à l’origine de troubles respiratoires, voire, dans les cas les plus graves, de pathologies cardiovasculaires ou encore de cancers.

Chez certaines catégories de personnes à la santé plus fragile, les conséquences peuvent être d’autant plus lourdes. Les enfants notamment, dont les systèmes respiratoires et immunitaires sont en cours de développement, sont particulièrement vulnérables face à une mauvaise QAI.

Parmi les polluants pouvant impacter la santé, le radon incarne un risque particulier. Il est aujourd’hui la seconde cause de cancer du poumon après le tabagisme et représente 10% des décès liés à cette pathologie. 

Par ailleurs, les probabilités de cancer du poumon lié au radon augmentent en fonction de la concentration et de la durée de l’exposition. Ainsi, selon l’OMS, le risque augmenterait de 16% pour chaque hausse de 100 Bq/m³ sur une durée de 30 ans.

Seuils d'exposition radon et impératifs réglementaires

Si le radon se dissipe rapidement dans l’air extérieur, sa concentration peut considérablement augmenter dans les espaces confinés, présentant alors un danger pour la santé des occupants. C’est pourquoi il fait l’objet d’une réglementation particulière dans certains établissements recevant du public (ERP), notamment les écoles et les crèches. 

Par ailleurs, la concentration du radon pouvant grandement varier selon les régions, la réglementation segmente le pays en 3 zones :

  • Zone 1 : faible potentiel radon
  • Zone 2 : potentiel radon modéré
  • Zone 3 : fort potentiel radon 
carte illustrant les différentes zones radon définies par la réglementation radon

Selon l’OMS, la valeur de référence à ne pas dépasser pour la concentration en radon est de 100 becquerels par mètre cube (Bq/m3). Ce niveau étant difficilement atteignable dans certains pays (comme la France par exemple) en raison de la nature des sols, un seuil de tolérance a été fixé à 300 Bq/m3.

Aussi, les ERP situés en zone 3 sont tenus d’assurer une gestion du risque radon au sein de l’établissement et de maintenir une concentration inférieure à 300 Bq/m3. Les bâtiments situés en zones 1 & 2 quant à eux, sont concernés si des mesures antérieures dépassent les 300 Bq/m3. Dans les deux cas, si une concentration supérieure à ce seuil est relevée au sein d’un bâtiment, alors la réglementation impose la mise en place de mesures correctives

Prédire la concentration en radon pour un pilotage optimisé de la ventilation

C’est dans ce contexte que la ville de Limoges a fait appel à Octopus Lab. Limoges se situe en zone 3 et présente donc naturellement une forte concentration en radon. En vue de garantir une bonne QAI au sein de l’école maternelle des Homérides, un seuil maximal de concentration a été fixé à 100 Bq/m3.

Pour atteindre cet objectif, la mise en place d’un pilotage intelligent et prédictif de la ventilation, basé notamment sur le radon, s’est imposée comme la solution la plus adéquate. 

Le but ici, était d’anticiper les pics de radon afin d’adapter le fonctionnement de la centrale à traitement d’air et de maintenir une concentration sous le seuil de 100 Bq/m3. De cette manière, il est alors possible de limiter au maximum l’exposition des occupants et de préserver leur santé. 

La phase de mesure

L’activité volumique du radon dans l’air dépend de nombreux facteurs. Elle est influencée par les propriétés géologiques du sol (porosité, concentration en uranium…) ainsi que par des facteurs environnementaux tels que l’altitude et les conditions météorologiques (température, humidité, les précipitations, vent…). Ces variations se manifestent particulièrement en hiver lorsque la différence de pression entre l’intérieur et l’extérieur favorise l’infiltration du radon dans les bâtiments.

Bien comprendre ces fluctuations est primordial pour anticiper la concentration en radon et ainsi proposer un profil de ventilation adapté sur les prochaines heures. Des mesures continues ont donc été réalisées pendant un an au sein de trois salles de classe de l’école des Homérides. Pour cela, les pièces ont été équipées d’un capteur Spirit Radon développé par Radonova.

Fort de plus de 30 années d’expérience, Radonova s’impose aujourd’hui le leader mondial de la mesure du radon.

Actif dans plus de 80 pays à travers le monde, le laboratoire conçoit et distribue des détecteurs de radon reconnus pour leur fiabilité et leur précision

Radonova s’investit également dans des missions d’accompagnement et de sensibilisation au radon, participant ainsi activement à l’amélioration de la qualité de l’air intérieur.

Les mesures révèlent des taux élevés d’émission associés à d’importantes variations durant la période hivernale. À l’inverse, durant l’été, les émissions sont généralement plus faibles et stables.

Concentration en radon au sein du bâtiment au cours d'une semaine, moyennée sur trois mois d’été. Ce visuel permet d'estimer l'exposition radon au sein du bâtiment.
Concentration en radon au sein du bâtiment au cours d'une semaine, moyennée sur trois mois d’été. Ce visuel permet d'estimer l'exposition radon au sein du bâtiment.

Concentration en radon au sein du bâtiment au cours d’une semaine, moyennée sur trois mois d’hiver (graphique de gauche) et sur trois mois d’été (graphique de droite).

En raison des fortes fluctuations, prédire les futures concentrations en radon au sein de l’établissement peut s’avérer complexe. Afin de définir un profil de pilotage efficace, il est donc essentiel que le modèle prédictif soit capable d’anticiper ces variations et les pics de concentration rapportés par les capteurs. 

Modéliser et prédire les concentrations de radon

Les données recueillies ont été intégrées à un jumeau numérique 3D de l’établissement comprenant ses caractéristiques techniques, et notamment le système de ventilation. Créé avec le logiciel de simulation INDALO®, ce modèle est connecté à des bases de données météorologiques et environnementales afin d’inclure des paramètres extérieurs (humidité, température, pollution…).

Le jumeau numérique est ensuite intégré à INDALO® Supervision, solution de pilotage prédictif des équipements CVC. Le logiciel mobilise alors une intelligence artificielle couplée à un moteur de calcul dédié à la chimie de l’air intérieur pour modéliser les interactions entre les sources de radon dans le sol, les conditions extérieures et les paramètres de l’air intérieur. 

INDALO® Supervision est ainsi en mesure de prédire les concentrations de radon ainsi que celles d’autres polluants sur une période de 24 heures. Les prévisions sont renouvelées chaque heure et mises à jour en fonction de nouvelles données mesurées en temps réel.

Fiabilité et précision des prédictions

La fiabilité des prédictions a été évaluée en calculant l’erreur quadratique moyenne (RMSE). Cette opération consiste à estimer les différences entre des valeurs prévisionnelles (ici formulée par INDALO® Supervision) et des valeurs réellement mesurées.

Ici, la RMSE s’établit en moyenne à 50 Bq/m³ tandis que l’incertitude capteur dans cette gamme de concentration est de +/- 10 Bq/m³. Ainsi, le modèle prédictif et les capteurs produisent des écarts de même ordre de grandeur. 

Ceci démontre une bonne représentativité des simulations par rapport aux mesures : le modèle parvient à reproduire correctement les tendances générales des variations de concentration, même en hiver où les fluctuations sont plus importantes. 

Ces résultats mettent en évidence la robustesse du jumeau numérique pour capter fidèlement l’influence de la saisonnalité sur les émissions de radon et modéliser la dynamique complexe du radon au sein du bâtiment. Ils confirment la capacité d’INDALO® Supervision à fournir des prévisions fiables, permettant une gestion optimisée de la ventilation pour réduire efficacement l’exposition au radon tout en minimisant les consommations énergétiques. 

Comment notre pilotage de la ventilation à permis de limiter l'exposition au radon

La mise en place de notre pilotage intelligent de la ventilation basé sur le radon a permis de maintenir une concentration moyenne de 60 Bq/m³. Il répond donc aux exigences réglementaires ainsi qu’aux objectifs fixés avec la ville de Limoges. 

Ces résultats confirment l’importance d’anticiper les émissions spécifiques aux bâtiments et à leur environnement, notamment dans les zones à pollution spécifique. Dans ce contexte, la précision des prévisions et la capacité à ajuster en temps réel les taux de renouvellement d’air sont les deux points clés.

Enfin, il est utile de noter que l’utilisation du jumeau numérique offre une grande flexibilité. Grâce à l’intégration de bases de données environnementales locales au sein de la solution, il est possible de prendre en compte les spécificités de chaque bâtiment. Cela permet d’adapter le fonctionnement d’INDALO® Supervision à des territoires où les enjeux diffèrent, par exemple avec des niveaux de radon faibles mais une pollution extérieure élevée. 

| À noter : le fait d’ajuster le renouvellement de l’air aux besoins réels permet une diminution significative des consommations énergétiques liées au fonctionnement de la ventilation. Dans le cas de l’école des Homérides, dont la surface avoisine les 300m², les gains s’élèvent à 2 425 € par an.